Marie Fourcade, tu es brodeuse d’art. Parle-nous de ton métier

Marie Fourcade

Marie Fourcade

Lunéville

Lunéville

J’ai rencontré Marie sur ce lieu un peu particulier, 51 boulevard Exelmans dans le 16ème à Paris. Ce lieu vivant autour d’une belle et grande cour se nomme les 5 toits. C’ est une ancienne caserne de gendarmerie reconvertie en lieu d’accueil transitoire pour les réfugiés. Plusieurs ateliers sont occupés par des artisans. C’est donc là que vous pourrez rencontrer Marie, habitée par l’envie de transmettre son métier y compris aux réfugiés. Vous pourrez rencontrer aussi d’autres artisans tapissier, ébéniste, modiste…

En parlant avec Marie, vous rencontrez les métiers d’art. Un univers difficile à pénétrer, exigeant, où seuls les passionnés peuvent trouver leur place. Marie nous explique son parcours de brodeuse d’art et sa vision de ce métier rare.

Quand as-tu décidé de devenir brodeuse ?

Il y 40 ans, une exposition de broderie dans un convent m’a convaincue de devenir brodeuse. Quand j’ai découvert ces broderies XVIIIème je me suit dit que c’est ce que je voulais faire. J’ai mis 18 ans avant d’y arriver ! C’est le plan social du Club Med qui m’a facilité la transition. L’école Lesage venait d’ouvrir ses portes depuis 1 an. C’est là que j’ai suivi une formation de 2 ans.

Comment as-tu exercé ce metier ?

Je ne voulais pas être brodeuse d’atelier car je craignais les tâches trop répétitives et je ne voulais surtout pas perdre ma passion. J’ai choisi d’être brodeuse à domicile. Cela convenait également à ma situation familiale avec des jeunes enfants.

En se faisant connaître, il y avait à l’époque (il y a 25 ans) beaucoup de travail. Ateliers de broderie ou couturiers donnaient du boulot car la haute couture avait de l’argent. Depuis certaines maisons ont fermé, les maisons utilisent moins la broderie et la main d’oeuvre a beaucoup été délocalisée en Inde.

En étant brodeuse à domicile, j’ai beaucoup travaillé comme intérimaire pour des agences spécialisées dans la mode et le luxe : Modelor, KSI Mode et sur la fin Caméléon également. Elles me permettaient d’avoir des missions dans des ateliers de broderie. J’ai adoré travailler chez Lesage, j’ai trouvé le niveau de rigueur et d’excellence que j’ai toujours recherché dans mon métier. Mais j’ai arrêté l’intérim car j’ai trop souffert des fins de missions où tout s’arrête du jour au lendemain après des périodes intenses. Aujourd’hui je me consacre à la formation. Je donne des cours au lycée Octave Feuillet en cours du soir adultes pour le GRETA des métiers d’art et de la création et les cours municipaux de la Ville de Paris. J’ai également des élèves qui viennent à mon atelier pour compléter les techniques apprises en CAP ou pour apprendre les techniques de base enseignées en CAP. J’ai de la chance, cela fonctionne très bien et je ne dépends plus d’autres contrats.

Quels sont les ateliers de broderie d’art et comment fonctionnent-ils ?

Les ateliers les plus connus sont Lesage et Montex qui appartiennent à la maison Chanel, Vermont qui appartient à Dior et des maisons indépendantes comme Safrane Cortambert, Cécile Henri , Hurel ou l’Atelier Vernoux qui est le plus récent. Ils travaillent pour la Haute Couture et pour renforcer leurs équipes en période de collection, ils font appel à d’autres brodeuses qui ne sont pas salariées. (NDLR : je dis brodeuse car les hommes sont extrêmement rares dans la profession même s’il y en a quelques-uns). La gestion des brodeuses dans un atelier appartient à la première d’atelier qui juge en fonction des profils et de l’expérience des brodeuses les pièces et les tâches qu’elle va leur confier.

Quelle est la formation idéale d’une brodeuse ?

Un CAP pour apprendre les bases. Le lycée Octave Feuillet forme chaque année 60 brodeuses. Puis le réel apprentissage se fait dans les ateliers. Pour être aguerri, il faut travailler dans les ateliers car c’est là qu’on est confronté aux défis techniques.

Quel est le profil des brodeuses aujourd’hui ?

Il n’y a presque pas de possibilité d’embauche car les brodeuses salariées quittent très peu leur atelier. Les places se libèrent à la retraite des précédentes donc il ne faut pas trop compter dessus ! Les brodeuses formées travaillent donc comme auto-entrepreneures ou intérimaires et parfois ont un autre savoir-faire pour compléter !

Quelle est la différence entre auto-entrepreneur et intérimaire ?

Quand tu es en free lance, tu dois travailler de chez toi. Tu as aussi moins de protection sociale que quand tu es intérimaire. Un contrat d’intérim encadre le travail réalisé à l’atelier, tu es limité à 60 heures par semaine en période de collection (ce qui est déjà pas mal !). Ce n’est pas le cas quand tu es en free-lance car il n’y a pas de plafond d’heures !

Marie, pourquoi es-tu brodeuse ?

L’aiguille et le fil qui traversent l’étoffe et qui l’embellissent ont toujours été et continuent d’être une fascination.

Pour retrouver Marie Fourcade écrivez-lui ici

Propos recueillis par Aude Augais.